jeudi 23 août 2012

Le kig ar farz ou comment distinguer un breton 100% pur beurre d'un touriste en goguette

Chaque été, le breton subit une invasion régulière et méthodique : celle de la population Ouest parisienne. Le parisien (ou assimilé) fait tout son possible pour s'intégrer au paysage en toute discrétion. Il déambule en marinière Saint James sur les remparts de St Malo, étrenne son Guy Cotten dès la première ondée et réserve sa marinière délavée et ses chaussures bateau pour la messe du 15 août. Il s'adapte aux coutumes locales, mange du kouign-aman à tout va, se met prudemment à la voile, ose même un "kenavo" en sortant de chez la boulangère, se moque bruyamment du pechno qui vient de commander une crêpe complète. Mais le breton est loin de se laisser berner par ces subterfuges grossiers, car certains détails trahissent systématiquement le parisien :


- La plaque de sa Renault Espace. On peut coller un autocollant "A l'aise Breizh" sur sa caisse, quand on est immatriculé 75, 78 ou 92, c'est difficile de mentir sur ses origines.
- Son air perdu dans les rayons du Leclerc. Bah oui, c'est drôlement plus grand que le Monop de la rue de Lévis ce truc. La vache, y'a même un espace culturel, c'est vraiment la mort du ptit commerce.
- Son inaptitude à prendre les ronds-points. Le breton, n'aime pas ça non plus, mais en mettre tous les 100 mètres, c'est quand même un bon moyen de faire chier les touristes.
- Son petit air ravi quand il trempe les lèvres dans sa première bolée de Loïc Raison à la fest-noz. Le breton, lui, est passé au chouchen deux heures avant.
- Le prénom de ses mioches. C'est sûr que crier sur la plage : "Anne-Claire et Jean-Charles, venez ici que je vous mette de la crème solaire!", c'est moins couleur locale que : "Arthur et Merlin, foutez la paix à Rozenn ou je vous mets une tarte!".
- Et surtout....son effarement quand on lui parle de kig-ar-farz. Quoi? Un plat breton qu'il ne connaît pas? Lui qui vient ici depuis l'époque où il portait des culottes courtes Cyrillus? Lui qui sait faire la différence entre une crêpe et une galette ? Ah bah j'aimerais bien voir ça!

Pas de problème Paul-Henri, à la fin de ce billet, tu sauras tout et tu pourras même étaler ta science aux apéros mondains à St Lu.

Le kig ar farz, probablement le plat le plus inadapté à la canicule

Le kig ar farz, c'est un genre de pot-au-feu qu'on fait dans le Finistère. Ca se compose d'une potée de légumes et de viandes (généralement de porc), de deux "fars" : un blanc, sucré et un noir, salé. Et puis comme c'est breton, on rajoute à ça une sauce au beurre : le lipig. C'est le genre de truc qui tient au corps et qui se partage en tribu, comme c'est du boulot, autant marquer le coup et inviter des potes.

Mais c'est encore Josette qui en parle le mieux, dans ce chouette document d'archives qui a du inspirer plus d'une pub Typiak.

Temps de préparation : 1h + 3h de cuisson, oui, mieux vaut s'y mettre la veille.

Pour 6-8 personnes :



La potée :
- 1/2 chou
- 5 carottes
- 2-3 navets
- 2 poireaux
- 1 morceau de lard demi-sel (300 g)
- de la saucisse bretonne (c'est pas réglementaire, mais c'est MA recette)

Le far blanc :
- 50 g de sucre en poudre
- 125 g de farine
- 1 oeuf
- 375 mL de lait

Le far noir :
- 125 g de farine de sarrazin
- 1 oeuf
- 1/4 L de bouillon (celui de la potée)
- 25 g de beurre
 

Le lipig :
- 2 oignons
- 225 g de beurre

Matos :
- 1 grande marmite ou cocotte, bref, un truc avec une grande contenance
- 2 torchons propres dans lesquels cuiront les fars
- de la ficelle alimentaire pour fermer les torchons


Far blanc, far noir, si tu veux tout savoir parfois dans le blanc on met des raisins secs
 
Le lipig ou comment boucher ses artères en un repas

Faire chauffer 4L d'eau dans la cocotte. Quand l'eau est chaude, ajouter la viande. Faire cuire 45 minutes.

Ecumer, ajouter les légumes coupés en morceaux. Faire cuire 1 heure à feu moyen. Ces 2 premières étapes peuvent être faites la veille.

Mélanger les ingrédients du far blanc, verser le tout dans le torchon que vous utiliserez comme une poche, fermer avec de la ficelle alimentaire et plonger dans la cocotte.

Faire de même avec le far noir. Laisser le tout cuire 1h de plus.

Pendant ce temps, émincer les oignons. Faire cuire 20 minutes dans le beurre sans remuer.

Servir la potée avec le lipig dans un bol et les fars coupés en tranches à côté, chacun se prépare son assiette à sa façon.


Visiblement, y'a des gens qui font ça pour les mariages. Si tu veux être sûr que tout le monde va se coucher avant minuit, c'est pas une mauvaise idée.

 
 

6 commentaires:

La fourmi Elé a dit…

Ah oui c'est sûr 100% pur beurre. J'en ai mangé une fois à Brest et ça m'a laissé un bon souvenir.

Anonyme a dit…

Bon c'est franchement pas mon type de plat, en revanche je suis tjs aussi fan de tes intros !!!

Louis a dit…

Trop envie d'une bonne potée! Très bon récit encore une fois..:)) Vive Cyrillus.

Solenne a dit…

@ La Fourmi Elé : c'est malheureux, mais le gras ça donne du goût, surtout en Bretagne ;)

@ Aurore : merci!

@ Louis : héhé, t'as vu maintenant y'a même un Cyrillus Home! C'est dur de renier ses origines...

Louis a dit…

Le Home, c'est vraiment dur. Mais ok ok, j'avoue, j'y ai fait un tour;). Et le blog alors?? Tu avais promis de ne plus le laisser en jachère!

Andrea Beckett a dit…

Greatt read thank you